Ma vie n'est pas "instagramable". La Tyrannie de la Perfection : Quand Instagram Redéfinit Nos Vies"

Peut-être avez-vous déjà entendu cette phrase ou l'avez-vous vous-même pensé ? Lorsque je l'ai entendu en consultation, cela m'a interpellé. Tout d'abord qu'est-ce qu'une vie "instagramable" ? Quelles sont les conséquences d'avoir ou pas une vie qui colle avec les photos d'Instagram ? Sommes-nous contraint par les réseaux sociaux à définir ce que doit être notre vie ? Notre bonheur ? Nos besoins ? Comment cela a pu influencer notre pensée, nos actions, nos décisions et notre vision de nous-même. Je vous propose dans cet article de nous pencher sur cette affirmation et d'essayer de comprendre les éventuelles conséquences sur notre santé mentale, physique et notre mieux-être en général des posts des réseaux sociaux.

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Céline Naud Psychanalyste

7/11/20247 min lire

Voici une phrase que j'entends de plus en plus et qui m'interpelle, surtout lorsqu'on la comprend parfaitement car on s'est laissé prendre au piège soi-même. Je dois l'avouer, j'ai fait partie de ces personnes qui ont nourri leur narcissisme à travers Instagram. Et puis un jour, la réalité est venue se confronter, assez violemment je dois dire, au fantasme du Moi idéal.

Ma faille narcissique a pu être nourrie grâce aux filtres de ce réseau et autres trucs qui me permettaient de me créer une vie conforme à mes besoins. Il faut dire que les développeurs ont vraiment bien compris, comment on pouvait utiliser toutes les failles de l'être humain. Tout est bon pour faire de superbes vidéos et l'on peut transformer une vie banale en une vie extraordinaire en quelques clics. 

Néanmoins grâce à cette réalité que l'on pourrait nommer réalité augmentée en référence à la réalité virtuelle qui n'existe pas, j'ai pu traverser une période difficile et douloureuse et je dirais que ce qui m'a fait sortir de cette réalité augmentée, c'est le désir de trouver une harmonie intérieure, d'être pleinement moi et de réaliser des rêves concrètement. Mais pour cela il faut se confronter à la réalité, c'est cela qui va nous permettre de faire bouger les choses.

La vérité libère, mais d'abord elle dérange.

Ma vie n'est pas "instagramable".

La vérité libère, mais d'abord elle dérange, elle fait même mal et pourtant c'est bien la confrontation à la réalité qui nous permet d'avancer et de sortir d'une zone qui nous paraissait confortable mais qui en réalité était étouffante, voire mortifère intérieurement. 

Et oui, les réseaux c'est du Fake, de la mise en scène pour se "vendre" ; c'est de la pub pour soi. Je dis toujours qu'il est important de poser les bons mots sur ce que nous faisons ou ce que nous vivons, c'est comme cela, entre autres, que nous pouvons devenir Sujet de notre vie, c'est-à-dire prendre des décisions éclairées qui nous amènerons vers une vie satisfaisante et une harmonie intérieure.

Quels résultats à votre avis, pouvons-nous avoir à un problème en partant d'un énoncé tronqué où certaines valeurs sont fausses ? Un résultat faux, non satisfaisant et qui pourtant dans notre raisonnement sera juste. C'est exactement la même chose en thérapie, c'est important de voir les choses sous le bon angle pour soi.

Le Moi idéal:

C'est une bonne image de soi-même que nous avons reçue des autres ou bien, faute de mieux, que nous nous-sommes construite. Dans le dernier cas cette bonne image se sera construite dans l'idée de devenir "qui je suis" si l'autre ne l'avait pas conditionné, modifié ou encore ne m'avait pas obligé à instaurer des défenses.

Qu'est-ce qu'une vie "instagramable" ?

Revenons à notre sujet principal et commençons par définir ce qu'est une vie "instagramable". Nous pourrions la définir comme suit : une vie qui se conforme aux standards esthétiques et narratifs imposés par les réseaux sociaux, en particulier Instagram qui est connu pour être un réseau où les clichés doivent être parfaits. Les posts se caractérisant par des images soigneusement filtrées et mises en scène, visant à montrer des moments de bonheur, de réussite, et de beauté esthétique. Cette mise en scène est souvent accompagnée de légendes inspirantes, suggérant une vie parfaite et sans faille.

Voilà les maitres mots d'Instagram; perfection, beauté, réussite. Il faut jouer des coudes pour montrer que l'on est le ou la meilleure en étalant ses "connaissances" aussi. 

L'instagramabilité repose sur l'esthétique visuelle et la valorisation de l'instant présent. Chaque photo, chaque story est conçue pour susciter l'admiration, l'envie, voire la jalousie. Les filtres et les retouches permettent de masquer les imperfections, créant ainsi une réalité embellie et souvent inatteignable et surtout irréaliste !

Les légendes inspirantes contribuent également à creuser le fossé entre le réel et l'imaginaire. Je constate très souvent en séance les personnes qui ont appris par coeur ces injonctions mais qui n'ont pas fait sens pour elles. Les personnes pensent souvent à tord qu'elles doivent se conformer aux idées véhiculées par ces légendes inspirantes, que c'est ainsi qu'elles atteindront leurs objectifs, qu'elles seront heureuses, épanouies. Je croise beaucoup de personnes qui ont travaillé sur elle pendant des années. 

Elles oublient que ces légendes sont seulement des idées, des suggestions et non LA vérité. Les citations sont là pour nous amener à réfléchir, se questionner, nous avons le droit de ne pas être d'accord, d'avoir des arguments contre. 

Des citations et légendes inspirantes qui creusent le fosser entre le réel et l'imaginaire et peuvent créer de l'angoisse.

La recherche constante de la perfection pour coller aux attentes de la communauté Instagram peut avoir des répercussions significatives sur notre santé mentale. D'un point de vue psychanalytique, cela peut engendrer un décalage entre le Moi idéal et le Moi réel. Sur Instagram, ce Moi idéal est continuellement alimenté par des images de perfection. Le décalage entre un idéal et la réalité peut provoquer un sentiment d'inadéquation et d'insatisfaction. Les personnes peuvent se sentir inférieures, voire dévalorisées, en constatant l'écart entre leur réalité quotidienne et les images idéalisées qu'ils consomment sur les réseaux sociaux. Ce sentiment peut mener à des troubles de l'estime de soi, de l'anxiété, et même à la dépression. Tout comme les personnes qui créent des posts magnifiques mais qui ne sont pas la réalité de ce qu'ils vivent. 

Conséquences psychologiques de la quête d'une vie "instagramable"

"À force de creuser le fossé entre le réel et l'idéal, on fabrique du mal-être."

Comme je l'ai écrit, le Moi idéal nous est pourtant utile, il nous permet de nous ressourcer dans les périodes difficiles, de nous centrer sur nous et de nourrir notre estime de soi. Mais comme toutes choses ; il faut veiller à l'équilibre.

Le bonheur est-il un état d'être ou une image projeté ?

La quête d'une vie instagramable pose la question de la définition du bonheur. Le bonheur est-il un état d'être authentique, ou est-il attaché à une image à projeter ? Les réseaux sociaux tendent à promouvoir une version du bonheur, fondée sur l'apparence et la validation externe, si les réseaux sociaux et les filtres ont autant de succès peut-être que le bonheur n'est réel que dans l'imaginaire ?

Les philosophes comme Épicure ou Aristote ont défini le bonheur comme un état de bien-être intérieur, résultant d'une vie vertueuse et en harmonie avec ses valeurs. En contraste, le bonheur tel qu'il est présenté sur Instagram est souvent éphémère et dépendant du regard des autres. Cela veut dire que ce sont les autres qui définissent si nous sommes heureux ou pas. Cette quête de validation externe peut détourner les individus de la recherche d'un bonheur authentique et durable selon certaines personnes peut-être qu'aujourd'hui la définition du bonheur pourrait être ; un fantasme alimenté par l'imaginaire.

Rester dans un monde illusoire peut même nous déconnecter de la réalité et nous empêcher d'avancer dans notre vie car le mental ne fait pas la différence entre la réalité et l'imaginaire, il peut donc faire sienne une réalité qui n'existe pas ou qui est arrangée. Il ne poussera donc pas aux changements nécessaires jusqu'à ce qu'un jour, nous soyons face à une réalité que nous ne pourrons pas fuir. Il est vrai que grâce aux filtres, à la musique, au bon éclairage nous pouvons grâce à la vidéo ou à la photo transformer l'ordinaire en extraordinaire.

Tous ces artifices peuvent altérer la perception de soi et de sa vie conduisant à une dissociation entre l'image réelle et l'image filtrée. Cette dissociation peut générer des angoisses liées à l'identité, car la personne peut ressentir une pression constante pour se conformer à une image idéalisée et artificielle d'elle-même et de sa vie, ce qui peut aller jusqu'au rejet de soi et de sa propre vie.

 Le Moi idéal peut prendre de plus en plus de place et devenir tyrannique ; il demandera alors à être nourri en permanence. Cette tyrannie engendrera du stress et fera monter les angoisses.

Pour conclure, la phrase "Ma vie n'est pas instagramable" est une invitation à réfléchir sur les influences des réseaux sociaux sur notre perception de nous-mêmes et de notre bonheur. Il est essentiel de reconnaître les limites et les dangers de cette quête de perfection visuelle et de se reconnecter avec une réalité plus authentique et bienveillante envers soi-même et peut-être aussi envers les autres aussi. Accepter l'imperfection chez l'autre c'est accepter ses propres imperfections.

Nous revenons toujours à une question d'équilibre, il est bon de nourrir son égo mais pas trop. Pour ma part, j'ai fait le choix de supprimer certains réseaux et de limiter les autres. J'ai vraiment vu une différence tant sur le plan psychique que physique, j'ai eu un poids en moins.

Nous avons tous une définition du bonheur, de ce qui nous fait du bien. Ce qui rend heureux une personne, ne nous rend pas forcément heureux et c'est normal. Ce qui a marché pour quelqu'un ne marchera pas forcément pour nous. Nous sommes uniques et moi je trouve que c'est ce qui nous rend précieux à la vie.

Conclusion

Pour aller plus loin:

Article pour mieux comprendre le Moi idéal, l'idéal du Moi , le narcissisle primaire et le narcissisme secondaire:

https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/moi-ideal-et-ideal-du-moi/